Luxembourg-Roumanie, 115 ans d'amitié face aux défis sécuritaires

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Publizéiert le 18.09.2025 à 12h25 Update le 18.09.2025 à 15h22

À l'invitation du Parlement roumain, une délégation de la Commission des Affaires étrangères et européennes, de la Coopération, du Commerce extérieur et de la Grande Région s'est rendue à Bucarest les 16 et 17 septembre 2025. Cette visite de travail, première mission internationale de la commission sous la législature actuelle, intervient neuf ans après la dernière visite parlementaire luxembourgeoise dans la capitale roumaine. Dans le cadre du 115e anniversaire des relations diplomatiques entre les deux pays, les députés luxembourgeois ont échangé avec leurs homologues roumains, les membres de la Commission de la Santé et de la Famille, ainsi que le groupe d'amitié parlementaire. Des entretiens de haut niveau ont également eu lieu avec Irina Danielescu, Secrétaire d'État à l'Éducation et à la Recherche, et Clara Staicu, Secrétaire d'État aux Affaires européennes, au Moyen-Orient et à l'Afrique. Les discussions ont porté sur les enjeux sécuritaires actuels, notamment les crises en Ukraine et au Proche-Orient, ainsi que sur les défis communs de la désinformation, de la transformation numérique, de l'éducation, du transfert de compétences et des disparités entre zones rurales et urbaines.

La délégation luxembourgeoise a été représentée par Gusty Graas (DP), Yves Cruchten (LSAP), Emile Eicher (CSV) et Fred Keup (ADR).

De droite à gauche :Fred Keup, Emile Eicher, Gusty Graas, Yves Cruchten à l’entrée du Palais du Parlement.

Sécurité collective et valeurs partagées 

Avec 531 kilomètres de frontière commune avec l'Ukraine et une proximité historique avec la Moldavie, la Roumanie occupe une position stratégique cruciale aux confins orientaux de l'Union européenne. Les parlementaires ont échangé sur le rôle clé de la Roumanie, fraîchement intégrée à l'espace Schengen depuis le 1er janvier 2025, qui s'attache désormais à renforcer les frontières extérieures de l'UE tout en se positionnant comme futur hub logistique pour la reconstruction post-conflit de l'Ukraine. Le président de la délégation, Gusty Graas, a rappelé que le Grand-Duché avait accueilli en 2005 la signature du traité d'adhésion roumain durant sa présidence du Conseil de l’UE, réaffirmant le soutien constant du Luxembourg à l'élargissement européen. Il a également souligné que les pays candidats, notamment la Moldavie, doivent remplir les critères de Copenhague. Les discussions ont également porté sur la priorité nationale roumaine d'adhérer à l'OCDE.

© Parlement roumain

La dimension sécuritaire s'incarne concrètement par la présence militaire de l'OTAN sur le flanc Est, où les Forward Land Forces constituent un pilier essentiel de dissuasion. Le Luxembourg maintient son plus important contingent militaire à l'étranger au sein du bataillon multinational basé à Cincu, à seulement 200 kilomètres de la frontière ukrainienne. 

« Si l'Ukraine perd cette guerre, ce sera aussi une défaite pour l'UE », ont martelé d'une même voix les deux délégations. Au-delà du conflit ukrainien, les échanges ont également porté sur la situation au Proche-Orient. Les parlementaires roumains ont rappelé le soutien historique de leur pays à la solution à deux États avec une reconnaissance de la Palestine dès 1988, ainsi que leur action humanitaire concrète, notamment l'évacuation de 40 enfants malades de Gaza.

Face aux menaces hybrides qui se multiplient, les députés ont débattu de la vulnérabilité démocratique, la Roumanie ayant subi une attaque d'ampleur inédite lors de ses dernières élections présidentielles avec des preuves claires d'ingérence russe. Les deux délégations partagent la conviction que l'éducation constitue « l'arme la plus efficace » pour contrer ces menaces. Les parlementaires ont souligné que l'éducation dépasse la simple transmission de connaissances en incarnant les valeurs et la diversité qui préparent l'avenir d'une Europe plus unie. Cette vision commune ouvre la voie à des collaborations concrètes dans le domaine académique, notamment à travers le programme Erasmus+ et les partenariats universitaires encore à développer entre les deux pays.

Diaspora et digital au service du rapprochement bilatéral

Les parlementaires ont mis en lumière l'importance cruciale des liens humains et technologiques dans le renforcement de la coopération bilatérale. Cette approche a été synthétisée par le député Emile Eicher, qui a souligné que « si vous voulez renforcer l'amitié, vous devez le faire à travers les personnes ».

La délégation luxembourgeoise a rencontré la Secrétaire d'Etat aux Affaires européennes et ses collaborateurs.

La Roumanie et le Luxembourg font face à des enjeux similaires en matière de transformation numérique. La réduction de la fracture numérique entre zones urbaines et rurales constitue un défi majeur pour la Roumanie. Les deux délégations ont particulièrement échangé sur la numérisation des systèmes de santé, rencontrant les mêmes difficultés pour convaincre les professionnels médicaux d'adopter les solutions numériques. Cette problématique s'accompagne d'une préoccupation concernant la fuite des cerveaux médicaux, la Roumanie comptant notamment 6 000 médecins exerçant en France.

Face à ces défis, des solutions concrètes ont émergé. Le député Yves Cruchten a proposé de transposer en Roumanie le modèle du Digital Learning Hub Luxembourg, une initiative accessible à tous et financée par le ministère de l'Éducation. Cette plateforme s'intègre dans une stratégie plus large d'innovation éducative, complétée par le projet d'alphabétisation en français, adapté à la diversité linguistique luxembourgeoise. Les représentants roumains ont souligné le potentiel inexploité des échanges universitaires, relevant que malgré les plus de 300 accords Erasmus de l'Université du Luxembourg, aucun partenariat n'existe actuellement avec des universités roumaines.

La diaspora roumaine, avec près de 7 000 ressortissants formant la septième communauté étrangère au Luxembourg, représente un pont naturel pour développer ces collaborations. Le député Fred Keup a encore suggéré qu'une liaison aérienne directe entre Luxembourg et Bucarest contribuerait à renforcer ces liens et faciliter la coopération entre les deux pays.