Le travail de plateforme. Définitions, enjeux, perspectives européennes et comparées.

Cellule Scientifique
Publizéiert le 06.06.2025 à 15h46 Update le 06.06.2025 à 15h58

Le travail de plateforme est une forme de travail qui est organisé par une plateforme en ligne, afin de permettre à des individus de réaliser un service, à la demande du destinataire du service, en échange d'une rémunération. 

Cette nouvelle forme de travail a connu une croissance rapide dans l’Union européenne, dans la diversité de ses manifestations. Réalisée à la demande de la Commission du travail, la note se penche sur les interrogations que cette nouvelle forme de travail soulève quant à la qualification juridique du statut de travailleur de plateforme mais aussi au regard de la surveillance et de la prise de décision par des systèmes automatisés. La note présente également les points saillants de la Directive (UE) 2024/2831 du 23 octobre 2024 relative à l’amélioration des conditions de travail dans le cadre du travail via une plateforme, à la lueur des législations de la France, de la Belgique et de l’Allemagne.

Le travail de plateforme. Définitions, enjeux, perspectives européennes et comparées.
  • Le travail de plateforme est une forme de travail qui est organisé par une plateforme en ligne, afin de permettre à des individus de réaliser un service, à la demande du destinataire du service, en échange d'une rémunération
  • Si le secteur du transport de personnes et celui de la livraison de repas sont emblématiques de cette nouvelle forme de travail, le travail de plateforme concerne des secteurs économiques variés comme les services à domicile ou de travail domestique (bricolage, garde d’enfant), les services professionnels comme la comptabilité ou la traduction, les services numériques (modération de contenu) ou encore les services de santé.
  • Cette nouvelle forme de travail a connu un essor sans précédent ces dernières années. On estime qu’en 2025, 43 millions de personnes travailleront, au moins de manière ponctuelle, à travers une plateforme dans l’Union européenne.
  • Cette croissance rapide suscite des préoccupations multiples.
  • Une des principales préoccupations est la détermination correcte du statut professionnel du travailleur de plateforme, eu égard à la distinction classique entre travailleur salarié et travailleur indépendant. Un travailleur erronément qualifié d’indépendant (un « faux indépendant ») est injustement privé de la protection sociale dont bénéficient les salariés, sans véritablement jouir des avantages du statut d’indépendant. Par ailleurs, une plateforme qualifiant erronément ses travailleurs représente une concurrence déloyale, notamment par un dumping des prix. 
  • Une seconde préoccupation suscitée par le travail de plateforme est l’utilisation de systèmes de surveillance et de prise de décision automatisés, inhérente au modèle commercial des plateformes. Les travailleurs de plateforme sont confrontés à une forme automatisée d’organisation et de gestion de leurs tâches et de leurs missions, ce qui constitue un obstacle à la compréhension et à la discussion des décisions affectant leur travail. Cela peut aussi dissimuler un lien de subordination. 
  • Ambitionnant de pallier ces difficultés en fixant des règles minimales communes à tous les États membres, le Parlement européen et le Conseil ont adopté la Directive (UE) 2024/2831 du 23 octobre 2024 relative à l’amélioration des conditions de travail dans le cadre du travail via une plateforme. 
  • La directive impose aux États membres de prévoir une présomption légale de contrat de travail lorsqu’il est constaté des faits témoignant d’une direction et d’un contrôle, conformément au droit national, aux conventions collectives ou à la pratique en vigueur dans les États membres et eu égard à la jurisprudence de la Cour de justice. 
  • La directive exige également des États membres un encadrement plus strict des systèmes automatisés organisant le travail de plateforme, notamment en renforçant les droits des travailleurs au regard de la collecte et de l’utilisation de leurs données personnelles, mais aussi plus de transparence de la part des plateformes. 
  • La directive doit être transposée par les États membres avant le 2 décembre 2026.
  • Certaines législations nationales prévoient néanmoins déjà une présomption de salariat bénéficiant aux travailleurs de plateforme. 
  • C’est le cas de la Belgique qui s’est engagée dans cette voie afin de lutter contre le phénomène des faux-indépendants, d’abord pour les travailleurs du secteur de la mobilité il y a 15 ans puis, plus récemment, pour tous les travailleurs de plateforme. 
  • Le droit français, à l’inverse, consacre une présomption d’indépendance, qui peut être renversée lorsque le travailleur apporte la preuve d’un lien de subordination. Le législateur français est cependant intervenu pour renforcer les droits des travailleurs de plateforme indépendants. 
  • En Allemagne, si les catégories de travailleurs sont plus diverses qu’en Belgique et en France, les travailleurs de plateforme ne jouissent pas d’un statut particulier, ni de mesures de protection spécifiques.
  • Parallèlement à l’évolution de la législation, les juridictions compétentes de ces trois États ont eu à connaitre de la question du statut professionnel des travailleurs de plateforme, en particulier dans le secteur de la mobilité. Plusieurs décisions ont estimé que les contrats entre les travailleurs indépendants et les plateformes numériques devaient être requalifiés en contrat de travail.