Mise en accusation d'un membre du gouvernement

Cellule Scientifique
Publizéiert le 07.09.2022 à 18h21 Update le 07.09.2022 à 18h21
 

La compétence de la Chambre des Députés d'accuser un membre du Gouvernement

  • Lorsque la Chambre accuse un membre du Gouvernement, elle prend l’initiative des

    poursuites contre celui-ci. En vertu des dispositions constitutionnelles, c’est elle seule qui peut

    décider de la mise en mouvement de l’action publique à l’égard du membre du Gouvernement.

    Elle peut s’autosaisir ou être saisie par le Parquet, qui lui communique une série d’indices

    laissant à supposer que le membre du Gouvernement a commis une infraction.

  • La question formulée ci-dessus appelle une réponse positive.

    Pour faire valoir que la Chambre des Députés peut encore accuser un membre du

    Gouvernement, même si ce membre du gouvernement a démissionné de ses fonctions, il faut

    examiner le but des articles 82 et 116 de la Constitution.



    L’objectif des articles 82 et 116 de la Constitution n’est pas d’accorder un privilège aux

    membres du Gouvernement, mais d’octroyer une garantie afin que le bon fonctionnement

    de l’action gouvernementale ne puisse pas être entravé de manière intempestive et

    répétitive.



    Cet objectif a été très clairement mis en avant en 2002 par la Cour supérieure de justice,

    siégeant en assemblée générale, qui a indiqué :



    « [l]a compétence exclusive et discrétionnaire pour poursuivre pénalement un membre

    du Gouvernement, conférée à la Chambre des Députés, est justifiée par la nécessité

    d’assurer, pour des raisons d’ordre public et d’intérêt général, la protection de la

    fonction ministérielle »


    .

    Très récemment, la chambre du conseil de la cour d’appel a, dans le même sens, rappelé

    que :



    « Les immunités reconnues aux membres du Gouvernement ont une justification

    purement fonctionnelle [...] Elles sont dictées par de hautes considérations d’intérêt

    général et consacrent moins une faveur au profit des ministres qu’une disposition

    d’ordre public que justifient les nécessités du Gouvernement. La gestion

    gouvernementale risquerait d’être entravée si les membres du Gouvernement

    pouvaient être poursuivis suivant les règles du droit commun par leurs

    administrés ou par leurs adversaires politiques »


    .

    Ainsi, c’est donc l’impératif de sauvegarde de la fonction gouvernementale qui justifie

    l’existence de règles dérogatoires au régime de droit commun en matière de responsabilité

    pénale des membres du Gouvernement.

    Cette conclusion au terme de laquelle la démission du membre du Gouvernement est sans

    incidence sur la compétence de la Chambre des Députés a, déjà, été éprouvée dans la

    pratique, lors de l’affaire dite « Wickrange/ Livange » de 2012 : tandis que l’ancien ministre

    de l’Économie et du Commerce extérieur, Jeannot Krecké, avait démissionné le 1er février

    20124, la Chambre examine la question de sa mise en accusation en juillet 2012. Les deux

    résolutions déposées dans ce contexte soulignent toutes les deux que les articles 82 et 116

    de la Constitution « s’appliquent également pour des membres du Gouvernement dont les

    fonctions ont pris fin et qui seraient soupçonnés d’avoir commis des infractions pendant le

    temps de leurs fonctions et dans l’exercice de celles-ci » 

    .

    Cette solution est, d’ailleurs, aussi celle retenue en droit belge. Dans un arrêt de 1985, la

    Cour de cassation belge a expliqué que le Parlement demeure compétent pour se prononcer

    sur l’éventuelle accusation d’un ancien membre du Gouvernement. Les mots de la juridiction

    belge sont précisément les suivants :

    « cette nécessité justifie qu’un ministre ne puisse être poursuivi et jugé que dans les

    conditions prévues à cet article [...] lorsque, après la cessation de ses fonctions, il

    est soupçonné d’avoir commis des infractions dans l’exercice de celles-ci »
    .

    Il faut, du reste, encore préciser que les articles 82 et 116 de la Constitution présentent un

    caractère d’ordre public, de sorte que le membre du Gouvernement ne peut de lui-même

    renoncer au régime spécial de la Constitution et demander à être soumis au droit commun.

  • Quelles sont les conséquences si la Chambre des Députés se

    prononce en séance plénière contre la mise en accusation d’un

    membre du Gouvernement ?



    Les deux interrogations appellent la même réponse.

    Dans son article, Claude Hirsch précise que sans la mise en accusation de la Chambre, « le

    magistrat du ministère public qui engagerait l’action publique à l’encontre d’un membre du

    Gouvernement risquerait de se rendre coupable d’infraction à l’article 158 du code pénal »8 .

  • La Chambre des Députés peut décider d’accuser le membre du Gouvernement si elle estime

    qu’il existe suffisamment d’indices de culpabilité. Elle n’a pas à se prononcer sur le fond, et

    donc à trancher la question de la culpabilité du ministre : ce pouvoir revient – selon les

    termes de l’article 116 de la Constitution – « à la Cour supérieure, en assemblée générale,

    [qui] jugera [le membre du Gouvernement], en caractérisant le délit et en déterminant la

    peine ».

    Dans le cadre de sa compétence de mise en accusation, la Chambre pourrait, notamment,

    vérifier :

    - si les faits, à les supposer établis, peuvent être considérés comme constituant une

    infraction ;

    - si l’ancien membre du Gouvernement en cause en est bien l’auteur ;

    - si la poursuite n’est pas inspirée par la malveillance ou par le désir de tracasser un

    adversaire politique.

Cet aperçu a été élaboré à la demande du Bureau de la Chambre