Journalistes en détention, démocraties fragilisées

Article
Publié le 03.10.2025 à 09h11 Mis à jour le 03.10.2025 à 09h11

L'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE), réunie en session d'automne du 29 septembre au 3 octobre 2025 à Strasbourg, a inscrit la défense de la liberté de la presse comme priorité absolue. Une réponse collective aux atteintes croissantes portées aux journalistes dans les zones de conflit. 

De gauche à droite : Gusty Graas, Octavie Modert, Alexandra Schoos, Stéphanie Weydert, Yves Cruchten, Paul Galles.

De Gaza à l'Ukraine, la protection des journalistes en zones de conflit a dominé les échanges parlementaires. Les débats ont souligné l'urgence de protéger ceux qui risquent leur vie pour informer. Cette préoccupation a trouvé un écho particulier lors de la remise du Prix des Droits de l'Homme Václav Havel à Maksym Butkevych, journaliste et défenseur ukrainien des droits humains libéré en octobre 2024 après sa détention en Russie. Cette distinction symbolise avec force le combat permanent pour la liberté d'expression.

Au-delà de cette thématique centrale, les parlementaires ont abordé des dossiers cruciaux pour l'avenir du continent : la situation démocratique en Türkiye, en Serbie et en Bulgarie, les nouvelles menaces russes contre les démocraties européennes, la création d'une commission internationale des réclamations pour l'Ukraine, et l'appel urgent face à la catastrophe humanitaire à Gaza. Autant de sujets qui témoignent du rôle essentiel du Conseil de l'Europe comme gardien des valeurs démocratiques.

La Chambre y a été représentée par Gusty Graas, Octavie Modert, Yves Cruchten, Paul Galles, Stéphanie Weydert et Alexandra Schoos.

Défendre la liberté de presse

L'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a adopté à l'unanimité des voix exprimées une résolution soulignant le rôle crucial des journalistes ukrainiens face à l'agression russe. Présenté par la rapporteure Yevheniia Kravchuk, le texte consacre le journalisme comme pierre angulaire de la démocratie, rappelant qu'il ne peut être marginalisé dans les discussions politiques. Dans une intervention poignante, Mme Kravchuk a actualisé le bilan tragique de cette guerre de l'information : 111 journalistes tués par les forces russes et 26 professionnels des médias toujours détenus. Elle a tenu à nommer chacun de ces détenus, donnant un visage humain à ces violations répétées du droit international. Par cette résolution, l'Assemblée instaure une commémoration annuelle baptisée « Victoire pour Victoria », en mémoire de Victoria Roshchyna, journaliste emprisonnée puis décédée en détention russe.

Le président de la délégation luxembourgeoise, M. Gusty Graas, a apporté un soutien appuyé à cette résolution, rappelant que « le droit à une information libre n'est pas un luxe démocratique, c'est le socle même sur lequel repose toute démocratie digne de ce nom ». Évoquant les plus de 800 crimes contre les médias documentés en Ukraine, le député luxembourgeois a souligné le paradoxe tragique de cette situation : « Ce sont ceux privés de parole qui connaissent le mieux le prix de la liberté d'expression. »

Gusty Graas lors de son intervention sur le rapport « Les journalistes comptent : l’intensification des initiatives en faveur de la libération des journalistes ukrainiens retenus en captivité par la Fédération de Russie s’impose »

Reconnaître les avancées de la Bulgarie

Après 25 ans d'accompagnement, l'Assemblée a voté à une large majorité la fin du dialogue postsuivi avec la Bulgarie. Ce pays, membre depuis 1992, avait achevé sa procédure de suivi initiale en 2000, mais certains points de vigilance avaient justifié la poursuite d'un dialogue régulier. Les parlementaires ont salué les progrès significatifs réalisés par les autorités bulgares ces dernières années : renforcement de la liberté d'expression, lutte contre les discours de haine et les violences faites aux femmes, adoption d'une législation anticorruption et protection des lanceurs d'alerte. Comme l'a souligné le corapporteur Yves Cruchten, « la Bulgarie a progressé au classement de Reporters sans frontières, passant du 111e rang il y a cinq ans au 70e rang en 2024 ».

Si ces avancées marquent une étape importante dans la consolidation démocratique du pays, l'APCE reste attentive à certains défis, tels que la finalisation de la réforme judiciaire et l'amélioration de la situation de la communauté rom. M. Cruchten a rappelé que ces réformes s'inscrivent dans « un contexte d'instabilité politique, les élections d'octobre 2024 étant les septièmes en un peu plus de 4 ans ». 

La Bulgarie rejoint désormais le régime d'examens périodiques appliqué à l'ensemble des États membres.

Yves Cruchten dans sa capacité de corapporteur sur « Dialogue postsuivi avec la Bulgarie »

Garantir le droit au logement pour tous

Face à une crise sans précédent - 1,3 million de sans-abri dont 400 000 enfants et 19,2 millions d'Européens en situation de mal-logement - les membres de l'APCE rappellent que le logement convenable est un droit humain fondamental et non une marchandise. La résolution votée appelle les États membres à augmenter les investissements dans le logement social, réguler strictement locations touristiques et spéculation immobilière, prévenir le sans-abrisme par des stratégies fondées sur les droits, et intégrer les exigences de durabilité climatique. Cette approche globale, considérée comme essentielle à la justice sociale et à la stabilité démocratique, vise à garantir un logement digne et abordable pour tous les citoyens européens.

En tant que rapporteur pour avis de la commission des Migrations, des Réfugiés et des Personnes déplacées, le député Paul Galles a mis en exergue a vulnérabilité particulière des migrants, réfugiés et demandeurs d'asile face à la crise du logement. Surreprésentés parmi les sans-abri dans les pays de l'OCDE, ils subissent discriminations sur le marché privé, exclusion du logement social faute de résidence longue durée, et obstacles administratifs pour accéder aux hébergements d'urgence. Garantir leur accès à un logement digne constitue pourtant un investissement essentiel qui favorise la cohésion sociale, facilite l'accès à l'emploi, améliore la santé publique et permet la scolarisation stable des enfants, bénéficiant ainsi à l'ensemble de nos sociétés.

Intervention de Paul Galles - APCE 2.10.25
Paul Galles en tant que rapporteur pour avis au débat « Analyse et lignes directrices visant à garantir le droit au logement

En marge de la session, la délégation luxembourgeoise a rencontré M. Marc Lassouaoui du Bureau de représentation de l'UNRWA à Bruxelles pour discuter de la situation humanitaire catastrophique à Gaza et des entraves croissantes au travail de l'agence. M. Lassouaoui a insisté sur la nécessité de permettre l'accès des journalistes à Gaza pour témoigner de la réalité sur le terrain. Il a rappelé que malgré les divergences politiques, un consensus devrait émerger sur l'essentiel, qui est de mettre fin à la catastrophe humanitaire où des enfants meurent chaque jour.

APCE-UNRWA - 1.10.2025
De gauche à droite : Paul Galles, Mats Radeck, Marc Lassouaoui (représentation de l’UNWRA à Bruxelles) et Gusty Graas.