La traite augmente dans le travail

Article
Publié le 07.12.2021 à 01h00 Mis à jour le 12.08.2022 à 12h12

Le rapport sur la traite des êtres humains au Luxembourg de la Commission consultative des droits de l’Homme (CCDH) est l’occasion de faire le point sur la traite des êtres humains dans tous les domaines où elle peut avoir lieu : exploitation sexuelle, travail, mendicité forcée etc. Gilbert Pregno, Président de la CCDH, a remis le rapport 2019-2020 au Président de la Chambre Fernand Etgen et a présenté son contenu lors d’une réunion de la Commission de la Justice.

La Commission consultative des droits de l’Homme (CCDH) a remis à la Chambre son rapport 2019-2020 sur la traite.

Ce rapport 2019-2020, qui est le troisième rapport de ce type produit par la CCDH, fait état de 23 victimes détectées sur la période observée. Une majorité de ces victimes sont exploitées dans le monde du travail (18 cas), le deuxième cadre étant l’exploitation sexuelle (4 cas), suivie de la criminalité forcée (1 cas). Une majorité de victimes recensées sont des hommes. Du côté des condamnations des exploiteurs, la CCDH relève 5 condamnations avec des peines de prison, dont 3 avec sursis partiel et 2 avec sursis intégral, et 5 amendes.

 

Les représentants de la CCDH ont affirmé qu’il s’agissait là des cas détectés, mais qu’il restait sans doute de nombreux cas d’exploitation qui demeuraient invisibles, notamment parce que les victimes ne parlent pas. Suite à une question des députés, ils ont cité dans ce contexte l’exemple d’aides à domicile recrutées à l’étranger et qui travaillaient avec une disponibilité de 24h/24. Ces personnes toucheraient un salaire dérisoire mais bien supérieur à celui qu’elles toucheraient dans leur pays d’origine, décourageant la prise de parole. Le recrutement se faisant souvent sur recommandation de bouche à oreille, les infractions seraient très difficilement observables.

 

Lors du débat avec les députés, les représentants de la CCDH ont également affirmé que la crise sanitaire aurait rendu certains domaines encore moins transparents, provoquant par exemple un déplacement de la prostitution de la rue aux appartements. Le recrutement en ligne des victimes rendrait également les investigations très difficiles.

 

Globalement, les représentants de la CCDH ont affirmé que la rareté des poursuites et la relative légèreté des peines infligées aux personnes condamnées dans des affaires de traite n’étaient pas de nature à renforcer la dissuasion.

 

Les recommandations de la CCDH pour lutter contre la traite

Les représentants de la CCDH ont salué dans leur rapport une meilleure collaboration entre la police et les autres acteurs impliqués et l’évolution des pratiques de l’Inspection du travail et des mines (ITM) dans le cadre de la lutte contre la traite, mais souhaitent encore un élargissement de ses compétences. Ils ont souligné l’importance de mesures concrètes et de la mise à jour des plans d’action nationale « Traite », « Entreprises et droits de l’Homme » et « Égalité ». Ils ont également regretté que le Luxembourg soit parmi les rares pays à ne pas disposer de programme de protection des témoins. Plusieurs recommandations émanent du rapport :

  • La création d’un système efficace pour la collecte des données statistiques, en collaboration avec le STATEC.
  • La mise en place d’une Hotline pour les victimes de toutes sortes de violence.
  • Une augmentation des ressources humaines des services d’assistance, de la police judiciaire et du Parquet.
  • Une sensibilisation qui vise à décourager la demande pouvant favoriser toute forme de traite et l’utilisation d’un langage respectueux.
  • Un élargissement du domaine de compétence de l’ITM à la constatation des infractions de traite
  • Une coopération avec les syndicats.
  • La mise en place de mesures pour lutter contre l’exploitation par le travail domestique.
  • La régularisation et la protection des personnes en situation de séjour irrégulier qui sont exploitées par le travail, même si elles ne sont pas victimes de traite.
  • La continuation des efforts en matière de détection des victimes de traite dans le contexte de l’immigration.
  • L’évitement de toute culpabilisation des victimes et le renforcement de la prise de conscience de la vulnérabilité des victimes de traite.
  • La révision du cadre légal et de la pratique en matière d’indemnisation des victimes.
  •  

Les députés ont voulu savoir quelle était la situation en ce qui concerne la mendicité forcée, dont aucun cas n’est recensé dans ce rapport 2019-2020. Les représentants de la CCDH ont affirmé qu’il s’agissait d’un milieu difficile à percer, car les victimes refusent de parler et que les recherches nécessitent une collaboration avec les pays voisins. Ils ont cependant affirmé que des cas en cours d’observation pourraient être reflétés dans leur prochain rapport. Les députés ont également voulu savoir comment se faisait la détection des cas de traite en général. Les représentants de la CCDH ont affirmé que les victimes étaient rarement à l’origine des signalements, qui étaient généralement directement effectués par la police. Dans le cas de la prostitution, il s’agirait souvent d’un voisin qui constate des faits et qui est à l’origine d’une investigation.