« Mini-instruction » et modifications du sursis : le parquet juge la réforme nécessaire
Après avoir entendu des représentants du Conseil de l'Ordre des avocats du Barreau de Luxembourg le 25 septembre, les députés de la Commission de la justice ont reçu une délégation de membres du parquet ce jeudi 9 octobre afin de les entendre au sujet du projet de loi 8486 qui doit apporter des modifications au Code de procédure pénale.

Les membres de l'Ordre des avocats du Barreau de Luxembourg avaient émis certaines réserves au sujet des modifications envisagées par le projet de loi 8486 en ce qui concerne les droits fondamentaux du justiciable.

Comment élargir le recours à la « mini-instruction » pour accélérer les procédures judiciaires tout en garantissant les droits des justiciables ?
Les membres du parquet sont des magistrats non partisans qui enquêtent à charge et à décharge
Les membres du parquet, en réponse aux questions qui leur ont été adressées par les députés, ont tenu à apporter des clarifications. John Petry, Procureur général d'État assermenté en début d’année, a tenu à souligner que les magistrats enquêtent bien à charge et à décharge, contrairement à ce qui selon lui avait été suggéré lors de la précédente réunion.
En ce qui concerne les modifications à la procédure de mini-instruction, celles-ci seraient, pour les représentants du parquet, nécessaires dans le contexte d’une surcharge de travail des juges d’instruction, qui devraient parfois traiter aux alentours de 200 affaires simultanément.
Les mini-instructions seraient utiles dans deux cas de figure : pour permettre au parquet de faire une préanalyse pour décider s’il faut une instruction et afin de traiter des affaires peu complexes dans lesquelles une procédure d’instruction serait disproportionnée.
En 2024, selon les chiffres présentés, il y aurait eu 60 000 enquêtes, 1 500 instructions et 800 mini-instructions. Pour illustrer la qualité des mini-instructions, qui sont une forme d’enquête, les membres du parquet ont présenté les taux d’acquittement dans l’arrondissement de Luxembourg, qui seraient similaires : 6,5% pour les affaires avec instruction, et 7,4% pour les mini-instructions.
Une réforme nécessaire pour accélérer les procédures
Globalement, les membres du parquet ont estimé que la réforme, qui répond aussi à une demande du Groupe d'action financière (GAFI) et dont l’objectif est d’accélérer les procédures, est nécessaire et qu’elle ne menace pas la procédure d’instruction. Si les juges d’instruction sont en surcharge de travail, il sera impossible de résoudre des affaires plus rapidement. De plus, le juge d’instruction peut toujours s’autosaisir s’il estime qu’une mini-instruction doit être convertie en instruction. Cela serait d’ailleurs le cas dans plusieurs dossiers chaque année, ont souligné les représentants du parquet.
Un autre élément fourni par les membres du parquet pour justifier la nécessité de la réforme est celui de l’évolution de certaines affaires. Le « phishing » par exemple, serait passé de 28 cas en 2020 à 2100 cas en 2024, une explosion représentant un élément supplémentaire justifiant la mise en place d’un cadre permettant d’accélérer les procédures.
Les craintes liées aux délais d’accès au dossier pour les personnes mises en cause dans une procédure
Les députés se sont ensuite intéressés à l’accès pour les personnes concernées à leur dossier, faisant état de craintes sur des délais inadaptés. Les représentants du parquet ont affirmé qu’ils n’avaient aucun intérêt à ce que les dossiers soient transmis trop tard et que l’exigence du temps raisonnable était largement respectée.
Les députés ont demandé s’il ne serait pas utile de prévoir des dispositions spécifiques pour l’accès au dossier dans le cadre des mini-instructions. Pour les représentants du parquet, cette discussion aurait du mérite, mais dans un cadre plus large qui comprendrait les modalités d’accès aux dossiers dans tous les types de procédures. Le Président de la Commission de la Justice Laurent Mosar a affirmé que la question générale de l’accès aux dossiers lui paraissait importante et a ajouté que ce point serait abordé avec la Ministre de la Justice lors de sa prochaine venue en Commission.
Les sursis sont une question politique
Au sujet des modifications à l’application des sursis prévue dans le projet de loi 8486, les représentants du parquet ont affirmé que toute mesure apportant des clarifications était la bienvenue, mais qu’il s’agissait essentiellement d’une question politique.
Un élément évoqué lors de la réunion a été celui des moyens d’obtenir des données chiffrées plus fines en ce qui concerne les sursis mais aussi en ce qui concerne par exemple le nombre de procédures qui sont transformées d’une mini-instruction en instruction sur demande d’un juge d’instruction. Certains députés de l’opposition se sont dit favorables à la création d’un « institut criminologique » dédié afin que le travail législatif puisse se faire de manière mieux informée.
Le projet de loi 8486 sera remis à l’ordre du jour de la Commission de la Justice lors d’une prochaine réunion.