Les incompatibilités familiales à la Chambre des Députés du Luxembourg et à l’étranger

Cellule Scientifique
Publié le 30.04.2025 à 18h30 Mis à jour le 02.05.2025 à 11h30

Dans le contexte de discussions sur la réforme de la loi électorale modifiée du 18 février 2003, la Cellule scientifique a été saisie d’une demande de recherche sur les incompatibilités familiales applicables au député. 

Cette note de recherche scientifique a pour objectif d’examiner le sens de l’article 131 de la loi électorale, qui établit les incompatibilités familiales applicables au député luxembourgeois. Elle étudie aussi les évolutions textuelles de cet article et ses justifications. Elle examine, enfin, si une disposition similaire à l’article 131 de la loi électorale est en vigueur dans d’autres parlements à l’étranger.

Résumé

  • L’article 131 de la loi électorale porte sur les incompatibilités liées à la parenté et à l’alliance.
  • Cet article prévoit que « les membres de la Chambre ne peuvent être parents ou alliés jusqu’au deuxième degré ni être unis par les liens du mariage ; dans le cas où ils sont élus ensemble, il est procédé par tirage au sort à la proclamation du candidat élu ».
  • Le respect de cette interdiction est assuré au moyen de la déclaration relative aux incompatibilités liées à la parenté et à l’alliance, que les députés entrant en fonction ont à compléter. 
  • Comme le rappelle cette déclaration, les parents ou alliés jusqu’au second degré incluent, pour ne prendre que quelques exemples, un père et son fils, un frère et une sœur, mais aussi un beau-père et son gendre. 
  • Les parents ou alliés jusqu’au second degré incluent également un nouvel époux ou une nouvelle épouse et les enfants issus d’une précédente union de l’autre conjoint. Cette relation entre les beaux-parents et leurs beaux-enfants n’avait jusque-là pas été énumérée comme relevant du champ d’application de l’article 131 de la loi électorale. Il conviendrait de l’ajouter aux relations familiales incompatibles décrites dans la déclaration relative aux incompatibilités liées à la parenté et à l’alliance.
  • Les incompatibilités familiales applicables aux députés luxembourgeois ne sont pas nouvelles : elles remontent à la première Constitution de 1841 qui interdisait au père et à son fils ainsi qu’au père et à son gendre de siéger ensemble au parlement. Le texte les encadrant a connu après 1841 trois évolutions majeures. La première date de 1879 avec l’ajout des frères. La seconde évolution notable intervient en 1919 avec, notamment, l’ajout des femmes, désormais soumises aux mêmes incompatibilités familiales que leurs homologues masculins ; Enfin, en 1924, la formulation de la première phrase que nous connaissons aujourd’hui (jusqu’au point-virgule), et notamment la notion de parents ou alliés jusqu’au deuxième degré, est retenue.
  • L’examen des travaux préparatoires et comptes rendus parlementaires du XIXe siècle enseigne, comme on pouvait s’y attendre, que les incompatibilités familiales visent à prévenir la mainmise d’une famille sur un parlement à l’effectif réduit.
  • De façon plus inattendue peut-être, l’analyse comparative montre que le Luxembourg fait figure d’exception parmi les systèmes parlementaires comparés : le Luxembourg est, en effet, sur base de recherches incluant 42 parlements, le seul pays avec Saint-Marin (60 parlementaires pour une population totale d’un peu plus de 30.000 habitants) à connaitre des incompatibilités familiales pour ses parlementaires nationaux. 
  • Outre Saint-Marin, la Suisse est un autre exemple notable à mettre en avant en la matière : si aucune incompatibilité familiale ne s’applique aux parlementaires nationaux suisses, de telles restrictions sont, en revanche, en vigueur pour l’exécutif fédéral, composé de sept membres. Par ailleurs, les parlementaires de deux des vingt-six parlements cantonaux suisses sont également soumis à des règles d’incompatibilités familiales. Il s’agit des parlementaires des cantons d’Obwald (55 membres pour 38.000 habitants) et du Tessin (90 membres pour 350.000 habitants).
  • Ce qui est intéressant dans les cas de Saint-Marin et de la Suisse, c’est que les incompatibilités familiales en vigueur concernent non seulement les couples mariés et légalement enregistrés, mais aussi les concubins (ceux qui vivent en communauté de vie de fait). Les concubins mis à part, la portée des incompatibilités familiales est très réduite à Saint-Marin, puisqu’elle ne concerne que les parents en ligne directe au premier degré (donc, seulement les liens père/fils, père/fille, mère/fils, mère/fille). À l’inverse, le champ d’application des incompatibilités familiales est très large en Suisse, incluant notamment l’oncle et sa nièce ou les cousins.
  • À la différence des exemples étrangers ci-dessus mentionnés, les Parlements de Monaco, du Liechtenstein, d’Andorre, de Chypre, d’Islande et de Malte, dont le poids démographique et la représentation parlementaire sont, pourtant, équivalents ou inférieurs à ceux du Luxembourg, ne connaissent pas de règles d’incompatibilités familiales.
  • À l’étranger, signalons, enfin, que les incompatibilités familiales suscitent quelques critiques, un petit nombre d’auteurs avançant des arguments à leur encontre, notamment l’absence de prise en compte des concubins (critique de la doctrine belge) ou l’absence de prise en compte des enfants nés de deux précédentes unions vivant au sein d’une famille recomposée (critique de la doctrine suisse).