« Il n’y a pas eu autant de prisonniers politiques en Russie depuis la mort de Staline »
Plus de 1700 prisonniers politiques seraient enfermés en Russie aujourd’hui, plus que dans l’ensemble de l’Union soviétique au milieu des années 80.
C’est un tableau sombre de la situation dans son pays qu’a dressé l’opposant politique russe Vladimir Kara-Mourza, lui-même ancien prisonnier du régime de Vladimir Poutine. Il a été reçu à la Chambre des Députés pour témoigner devant les parlementaires luxembourgeois ce mardi 7 octobre.

L’échange a réuni le Président de la Chambre des Députés Claude Wiseler, le Président de la Commission des Affaires Étrangères Gusty Graas et les membres de sa Commission, tout comme les membres de la délégation luxembourgeoise auprès de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe.
C’est sur invitation du député Yves Cruchten que Vladimir Kara-Mourza a été reçu par les parlementaires. Il était accompagné par son épouse Evgenia Kara-Murza, également engagée politiquement.
Claude Wiseler, Gusty Graas et les députés se sont dit honorés de recevoir cette figure majeure de l’opposition russe, journaliste, historien, récipiendaire de distinctions comme le Prix des droits de l'homme Václav-Havel 2022 et le Prix Pulitzer en 2024.
Condamné en 2023 à 25 ans de colonie pénitentiaire en raison de son opposition à la guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine, Vladimir Kara-Mourza a été libéré en août 2024 dans le cadre d’un échange de prisonniers. Il a également été victime de deux tentatives d’empoisonnement en 2015 et en 2017.
60 nouveaux cas « criminels » politiques ouverts contre des citoyens russes chaque mois
« Il n’y a pas eu autant de prisonniers politiques en Russie depuis la mort de Staline » a notamment affirmé Vladimir Kara-Mourza qui répondait aux députés qui l’interrogeaient au sujet de la situation dans son pays. Le nombre de prisonniers politiques aurait donc dépassé les 1700, auxquels s’ajoutent chaque mois 60 nouveaux cas « criminels » politiques ouverts contre des citoyens russes et plus globalement des milliers de personnes détenues pour s’être prononcées contre la guerre.
Interrogé par les députés au sujet de ce que les parlementaires peuvent faire pour soutenir ces personnes, Vladimir Kara-Mourza a affirmé que le plus important était de « ne pas les laisser tomber dans l’oubli ». Cela pourrait améliorer les conditions de détention, aider les prisonniers en leur faisant savoir qu’ils n’ont pas disparu du monde et ainsi les aider à survivre dans « l’enfer du goulag moderne russe ». Si un accord de cessez-le-feu provisoire devait être négocié en Ukraine, a-t-il ajouté, il serait crucial de s’engager pour que le traité inclue des provisions pour la libération des prisonniers politiques, des otages civils ukrainiens, le retour des milliers d’enfants ukrainiens volés et la libération de tous les citoyens russes dont « le seul crime est de protester contre la guerre d’agression ».
Il existe des Russes qui veulent la fin de la guerre
Les parlementaires luxembourgeois ont pendant l’échange souligné la suspension des relations de la Chambre des Députés avec la Douma, la chambre basse de l'Assemblée fédérale de la fédération de Russie.
Vladimir Kara-Mourza a affirmé dans ce contexte qu’il serait important de mettre en place des relations entre le Parlement et des acteurs de la société civile russe, comme cela est notamment entrepris au Royaume-Uni ou aux Etats-Unis. Plus globalement, Vladimir Kara-Mourza a milité pour qu’on ne condamne pas toute la population russe en partant du principe qu’ils soutiennent le pouvoir politique en place, affirmant qu’il existait toute une partie de la population qui souhaite un arrêt du conflit en Ukraine. Punir des citoyens russes étrangers au conflit serait une aubaine pour la machine de propagande russe qui utilise la notion de « russophobie » pour se justifier.
Interrogé au sujet de l’efficacité des sanctions ciblées, Vladimir Kara-Mourza a affirmé que celles-ci n’étaient pas encore appliquées de manière efficace dans de nombreux cas, citant notamment le fait que des composants occidentaux ont été retrouvés dans des armements ayant été utilisés contre l’Ukraine.